L’ÉPÉE D’UN DRAGONNIER.

 

L’anxiété envahit l’esprit d’Eragon lorsqu’il se réveilla. Bien qu’il gardât les yeux fermés, il fut incapable de contenir de nouvelles larmes. Il chercha une idée ou un espoir qui l’aiderait à ne pas sombrer dans la folie.

— Je ne peux pas vivre après ça ! gémit-il.

« Mais si ! » répondit Saphira dans sa tête.

« Comment ? Garrow est parti pour toujours. Et, à mon heure, je rencontrerai le même destin. Amour, famille, succès – tôt ou tard, tout sera détruit, il n’en restera rien. À quoi bon lutter ? »

« Ce qui compte, c’est d’agir, affirma la dragonne. La vie ne vaut rien quand tu renonces à changer ton sort et à la vivre. Mais considère les options qui s’offrent à toi. Choisis-en une, et consacre-toi à elle. À chaque pas que tu feras, ton espoir grandira, et tu te rapprocheras du but. »

« Mais qu’est-ce que je peux faire ? »

« Écoute ce que te dit ton cœur. Seul un désir suprême peut te porter. »

Saphira laissa Eragon peser ses paroles. Suivant ses recommandations, il examinait ce qu’il ressentait. Il constata avec surprise que, plus que le chagrin, ce qui dominait en lui était une colère sourde.

« Que veux-tu que je fasse ? Que je poursuive les étrangers ? »

« Oui. »

La franchise de la dragonne désarçonna Eragon. Tremblant, il inspira à fond.

« Pourquoi ? »

« Tu te souviens de ce que tu m’as dit sur la Crête, quand tu m’as rappelé mes devoirs de dragon ? Quand je suis revenue à la ferme avec toi, en dépit de mes instincts ? Eh bien, tu dois te contrôler à ton tour. J’ai beaucoup réfléchi, ces derniers jours, et j’ai compris ce que signifiaient mon statut de dragon et celui de Dragonnier. Notre destin est de rendre possible l’impossible, d’accomplir de hauts faits en méprisant la peur. C’est notre responsabilité pour le futur. »

« Peu importe ! gronda le garçon. Ce ne sont pas des raisons pour se mettre en chasse ! »

« Dans ce cas, en voici d’autres : on a repéré des traces de ma présence. Les habitants savent que je suis dans les parages. Ils finiront par me voir. En ce qui te concerne, rien ne te retient ici : ni ferme, ni famille, ni… »

« Roran n’est pas mort ! » lança Eragon avec véhémence.

« Mais si tu restes, tu devras lui expliquer pour de bon ce qui est arrivé. Il a le droit de savoir pourquoi son père n’est plus. Que décidera-t’il quand il connaîtra mon existence ? »

Les arguments de Saphira tourbillonnaient dans la tête d’Eragon. Il ne supportait pas l’idée d’abandonner la vallée de Palancar. Ici, il était chez lui. Et pourtant… Pourtant, la perspective de se venger était férocement réconfortante !

« Suis-je assez fort pour ça ? »

« Tu m’as, moi. »

Eragon était en plein doute. Se venger serait un acte désespéré. Un acte sauvage. L’indécision lui semblait de plus en plus méprisable.

Un sourire dur étira ses lèvres. Saphira avait raison. Désormais, plus rien n’avait d’importance. Sauf le fait d’agir. Quelle plus grande satisfaction que de pourchasser ceux qui avaient tué Garrow ?

Une énergie et une force formidables commencèrent de croître en lui. Elles captèrent ses émotions, qu’elles transformèrent en rage. Le monde criait vengeance. Il sentait battre ses tempes alors qu’il martelait avec conviction : « Je le ferai ! »

Il rompit le contact avec Saphira et roula hors du lit, tendu à l’extrême. Il était encore très tôt ; Eragon avait très peu dormi. « Rien n’est plus dangereux qu’un ennemi qui n’a rien à perdre, pensa-t-il. C’est ce que je suis devenu. »

La veille encore, il avait éprouvé les pires difficultés à marcher droit ; ce matin-là, il se déplaçait avec aisance, grâce à sa volonté de fer. Les signaux de souffrance que ses jambes lui envoyaient, il les défiait, puis les ignorait.

Tandis qu’il descendait l’escalier, il entendit deux personnes qui murmuraient entre elles. Curieux, il s’arrêta et écouta. Elain disait d’une voix douce :

— On a de la place… On peut le garder avec nous.

Horst marmonna une réponse inintelligible.

— Oui, le pauvre garçon…, approuva Elain.

Cette fois, Eragon comprit ce que Horst grommelait :

— Peut-être que…

Il y eut un long silence.

— J’ai beaucoup réfléchi à ce qu’Eragon nous a dit. Je ne suis pas certain qu’il nous ait tout raconté, confia le forgeron.

— Comment ça ? s’étonna Elain, la voix troublée.

— Quand nous sommes arrivés devant leur ferme, nous avons vu que la route avait été aplanie par la civière sur laquelle il avait traîné Garrow. Nous avons continué jusqu’à l’endroit où la neige était piétinée et tassée. Ses empreintes et les traces de la civière s’arrêtaient là. Mais nous avons remarqué aussi les mêmes traces géantes que nous avions avisées devant la bâtisse. Et il y a autre chose : ses jambes. Tu les as vues, ses jambes ? Je ne crois pas un instant qu’il ait pu s’arracher autant de peau sans s’en rendre compte. Je n’ai pas voulu le mettre mal à l’aise, hier ; aujourd’hui, je pense pousser davantage l’interrogatoire.

— Peut-être que ce à quoi il a assisté l’a tant effrayé qu’il ne veut pas en parler, suggéra Elain. Tu te souviens de l’état dans lequel il était…

— Ça n’explique pas comment il a réussi à s’approcher avec Garrow de Carvahall sans laisser de traces !

« Saphira a raison, conclut Eragon. Il est temps que je parte. Trop de gens voudront me poser trop de questions. Et, tôt ou tard, ils trouveront les réponses. »

Il traversa la maison, se raidissant au moindre craquement du plancher.

Dehors, les rues étaient vides. Rares étaient les villageois lèves dès potron-minet. Eragon s’immobilisa un instant et tâcha de se concentrer. « Je n’ai pas besoin d’un cheval, Saphira sera ma monture ; par contre, il nous faut une selle. Elle peut chasser pour nous deux, donc je n’ai pas à m’inquiéter pour la nourriture… mais je devrais en prendre un peu quand même, au cas où ! Et le reste, je le trouverai dans les ruines de la maison de Garrow. »

Il se dirigea vers les cuves de Gedric, le tanneur, à la lisière de Carvahall. Malgré la puanteur qui lui soulevait le cœur, il continua d’avancer jusqu’à une cabane bâtie à flanc de colline. C’était là qu’étaient rangées les peaux traitées. L’idée du vol qu’il allait commettre lui répugnait ; cependant, il raisonnait en son for intérieur : « Ce n’est pas réellement un vol. Un jour, je reviendrai payer Gedric, comme je reviendrai rembourser ma dette à Horst. » Il roula de grands pans de cuir épais, et les emporta dans un bosquet à l’extérieur du village. Il entreposa son butin dans les branches d’un arbre et s’en retourna à Carvahall.

« À présent, la nourriture ! »

Il se dirigeait vers la taverne quand une idée lui passa par l’esprit. Il sourit et fit demi-tour. Tant qu’à dépouiller quelqu’un, autant que ce soit Sloan ! Il s’introduirait donc chez le boucher…

 

L’entrée principale de la boucherie était fermée solidement lorsque le commerçant n’était pas dans sa boutique ; mais, sur le côté, il y avait une autre porte, protégée par une simple chaîne, qu’Eragon eut tôt fait de briser. La pièce était plongée dans l’obscurité. Le garçon tâtonna jusqu’à ce que ses mains rencontrassent des piles de nourriture emballées dans un linge. Il en fourra autant qu’il put sous sa chemise, puis se dépêcha de ressortir et de refermer la porte.

Non loin, une voix de femme cria son nom. Eragon boutonna sa chemise jusqu’au col pour ne pas laisser tomber le moindre morceau de viande ; puis il se jeta dans un recoin pour échapper aux regards. Il frissonna en apercevant Horst qui passait, conduisant deux chevaux, tout près de lui !

Il s’éclipsa dès que le forgeron eut disparu à ses yeux. Les jambes lui brûlaient tandis qu’il longeait une allée pour se précipiter derrière le rideau d’arbres. À l’abri de gros troncs, il vérifia si on ne l’avait pas poursuivi. Non, il était seul. Il poussa un soupir de soulagement et leva les bras pour récupérer ses rouleaux de cuir.

Ils n’étaient plus là.

— Tu pars en voyage ? lança une voix dans son dos.

Eragon se retourna. Brom était là, qui le fixait. Le conteur avait une vilaine plaie sur le côté du visage, et il était en colère. Il portait une petite épée à la ceinture, protégée par un fourreau de couleur brune. Il tenait les cuire de Gedric.

Irrité. Eragon plissa les yeux. Comment diable ce vieil homme avait-il réussi à l’espionner et à le surprendre ? Tout était si calme, alentour ! Il aurait mis sa main au feu qu’il n’y avait personne dans les parages !

— Rendez-moi ça, exigea-t-il.

— Pourquoi ? riposta Brom d’un ton cinglant. Pour que tu t’enfuies avant l’enterrement de Garrow ?

— Ça ne vous regarde pas ! glapit Eragon, perdant un peu plus son sang-froid. Pourquoi m’avez-vous suivi ?

— Je ne t’ai pas suivi. Je t’ai attendu ici. Et maintenant dis-moi : où vas-tu ?

— Nulle part.

Eragon tendit les mains vers les peaux et s’en empara. Brom ne fit rien pour l’en empêcher.

— J’espère que tu as assez de viande pour nourrir ton dragon.

Eragon se figea :

— De quoi parlez-vous ?

— Ne joue pas au plus fin avec moi, lâcha Brom en croisant les bras. Je sais d’où vient la marque ovale que tu as sur la main : la gedwëy ignasia – autrement dit, la paume brillante – prouve que tu as touché un dragon qui avait juste éclos. Je sais pourquoi tu es venu me poser toutes ces questions, l’autre jour. Et je sais que la Confrérie des Dragonniers vient de renaître.

Eragon laissa tomber les cuirs. Ce qu’il craignait était arrivé. Il devait fuir. Incapable de courir, il ne pouvait espérer distancer Brom, mais…

« Saphira ! » appela-t-il.

Pendant quelques instants, il crut qu’elle ne répondrait pas. Enfin, il l’entendit : « Oui. »

« Nous sommes découverts. J’ai besoin de toi. »

Il lui envoya une image de l’endroit où il était, et elle s’envola immédiatement. Il n’avait plus qu’à gagner du temps.

— Comment avez-vous compris ? demanda-t-il d’une voix blanche.

Brom fixa un point au loin et bougea les lèvres comme s’il avait parlé à quelqu’un d’autre. Puis il dit à haute voix :

— Des indices, des signes, il y en avait partout. Je n’ai eu qu’à y prêter attention. N’importe qui d’autre, avec mes connaissances, aurait compris aisément. Parle-moi de ton dragon. Comment va-t-il ?

— Elle va bien. Nous n’étions pas à la ferme quand les étrangers sont arrivés.

— Ah, c’était donc ça, tes jambes… Tu as volé !

Brom avait percé ce mystère aussi ! Aurait-il été soudoyé par les étrangers ? C’était invraisemblable. Néanmoins, s’ils lui avaient demandé de se renseigner sur la destination du garçon, afin de lui tendre une embuscade ? Eragon s’affolait. Que fabriquait Saphira ? Il la chercha mentalement et découvrit qu’elle planait au-dessus de lui, très haut dans le ciel.

« Viens ! »

« Non, pas maintenant. »

« Pourquoi ! »

« À cause de l’assaut sur Dorú Areaba. »

« Hein ? »

Brom s’adossa contre un arbre, un petit sourire aux lèvres :

— J’ai parlé avec ta dragonne. Elle est d’accord pour nous laisser le temps de discuter avant de nous rejoindre. Tu vois bien : tu n’as pas le choix ! Tu dois répondre à mes questions. Maintenant, dis-moi : où comptes-tu te rendre ?

Abasourdi, Eragon porta une main à son front. La tête lui tournait. « Comment Brom pouvait-il communiquer avec Saphira… et, surtout, se faire obéir d’elle ? » L’arrière de son crâne le lançait. Des idées fusaient dans son cerveau, mais il en arrivait toujours à la même conclusion : il fallait qu’il dise quelque chose au vieil homme.

— J’allais chercher un endroit où guérir tranquillement.

— Et à part ça ?

Impossible d’ignorer la question. Le mal de tête augmentait, empêchant Eragon de réfléchir à une issue. Sa vue se troublait. Ses résistances fondaient comme neige au soleil. Il n’aspirait plus qu’à raconter les événements qu’il avait vécus ces derniers mois ; il voulait soulager sa conscience d’un secret qui avait entraîné la mort de Garrow. Il s’y résolut et dit d’une voix tremblante :

— Je m’apprêtais à traquer les étrangers pour les tuer.

— Une tâche écrasante pour un être aussi jeune que toi, commenta Brom sur un ton égal, comme si ce projet d’assassinat avait été la mission la plus logique et la plus saine pour Eragon. Mais aussi une belle tâche, et à ta portée, de surcroît – même s’il saute aux yeux qu’un peu d’aide ne te nuirait pas.

Il tira un gros sac d’un buisson et finit son discours en grommelant :

— Seulement, ne crois pas que je vais rester chez moi pendant que d’autres prennent l’air et se promènent à dos de dragon !

« M’offre-t-il son aide, ou cherche-t-il à m’attirer dans un piège ? se demanda Eragon, incapable de deviner ce que pouvaient tramer ses mystérieux ennemis. Je dois me méfier de lui ; et pourtant, il a convaincu Saphira de lui accorder sa confiance, et ils ont parlé d’esprit à esprit. Si elle n’est pas inquiète… »

Il décida de mettre ses doutes de côté.

— Je n’ai pas besoin d’aide, prétendit-il.

Puis il ajouta :

— Mais vous pouvez venir.

— Alors, allons-y, répondit Brom.

Il eut un drôle de regard avant de déclarer :

— Ça y est, ta dragonne est prête à t’écouter.

« Saphira ? »

« Oui. »

Eragon se retint de la questionner. Ils n’avaient pas le temps. Pour le moment.

« Tu peux nous retrouver à la ferme ? » demanda-t-il.

« Oui. Vous vous êtes mis d’accord ? »

« En quelque sorte… »

La dragonne rompit le contact et s’éloigna.

Le garçon jeta un œil vers Carvahall. Il aperçut des silhouettes qui couraient d’une maison à l’autre.

— Je crois qu’on me cherche.

Brom leva un sourcil :

— C’est assez probable. On y va ?

Eragon hésita :

— J’aimerais laisser un message à Roran. J’ai un peu honte de partir sans lui dire pourquoi.

Brom le rassura :

— Je m’en suis occupé. J’ai confié à Gertrude une lettre destinée à ton cousin. Je lui explique quelques petites choses, et je le mets en garde contre certains dangers. Cela te convient-il ?

Eragon acquiesça. Il enveloppa la viande dans le cuir ; et le périple commença.

 

En s’éloignant de Carvahall, Brom et Eragon veillèrent à rester hors de vue. Puis, quand ils eurent atteint la route, ils accélérèrent le pas pour semer d’éventuels poursuivants. Eragon grimaçait. Ses jambes le faisaient souffrir ; mais le rythme de marche soutenu lui évitait de trop réfléchir. Il avait décidé que, une fois cher Garrow, il refuserait de continuer le voyage sans avoir obtenu à son tour quelques réponses de Brom. « Il va falloir qu’il m’en dise plus sur les Dragonniers et sur ceux que je dois combattre », songea-t-il.

Lorsque les décombres de la ferme apparurent, les sourcils de Brom s’arquèrent sous l’effet de la colère. Eragon fut stupéfait de constater avec quelle rapidité la nature avait réinvesti ce que les hommes avaient abandonné. La neige et la poussière s’entassaient dans les ruines, qui laissaient imaginer la violence de l’attaque des étrangers. L’écurie n’était plus qu’un rectangle de suie à peine visible sous le linceul de neige.

Brom sursauta en entendant le battement des ailes de Saphira au-dessus des arbres. La dragonne, qui arrivait derrière les voyageurs, plongea vers le sol, effleurant presque la tête du conteur et celle d’Eragon. Ils chancelèrent sous la bourrasque. Les écailles de Saphira scintillèrent tandis qu’elle décrivait un arc de cercle autour de la ferme avant d’atterrir avec grâce.

Le vieil homme s’avança vers elle. Son visage exprimait un mélange de solennité et d’envie ; ses yeux brillaient. Une larme roula sur sa joue et se perdit dans sa barbe. Il se tint ainsi immobile un long moment. Il respirait bruyamment pendant qu’il examinait Saphira, qui le fixait elle aussi. Eragon entendit que Brom murmurait. Il s’approcha pour entendre.

— Ainsi, tout recommence…, disait le conteur. Mais comment et où cette histoire pourrait-elle prendre fin ? Ma vue est voilée. Je ne peux pas savoir si c’est farce ou tragédie, car les ingrédients des deux sont déjà là… De toute manière peu importe : ma position est la même, et je…

Son discours s’arrêta là : Saphira marchait vers les deux hommes, la mine haute. Eragon passa devant Brom comme s’il n’avait rien entendu, et il salua sa dragonne. Depuis qu’ils s’étaient quittés, leur relation avait évolué. Ils avaient l’impression de se connaître mieux, plus intimement ; et, cependant, ils sentaient qu’ils étaient encore étrangers l’un à l’autre.

Le garçon flatta l’encolure de Saphira. Sa paume le picota lorsque leurs esprits se connectèrent. Une forte curiosité émanait de la dragonne. Eragon s’en étonna.

« Je n’avais pas vu d’autres humains que Garrow et toi, et Garrow était en très mauvais état… »

« Tu as vu d’autres humains par mes yeux. »

« Ce n’est pas la môme chose. »

Esquissant un pas en avant, elle fit pivoter sa grande tête afin de pouvoir jauger Brom d’un immense œil bleu.

« Vous êtes vraiment des créatures bizarres… », déclara-t-elle d’un ton critique. Et elle continua son observation.

Brom ne bougeait pas. Quand elle huma l’air, il tendit une main vers elle. Saphira baissa la tête avec lenteur et l’autorisa à toucher son arcade sourcilière. Pourtant, dès qu’il l’eut fait, elle renâcla et se réfugia derrière Eragon. Sa queue s’agita sur le sol.

« Que se passe-t-il ? » s’inquiéta le garçon.

Le conteur se tourna vers lui :

— Comment s’appelle-t-elle ?

— Saphira.

Brom parut décontenancé. Il serra son paquetage avec tant de force que ses articulations blanchirent. Eragon se dépêcha de se justifier :

— Parmi tous les noms que tu m’as cités, c’est celui qu’elle préférait. Je trouve que ça lui va parfaitement…

— Il lui va ! confirma le conteur.

Il y avait dans sa voix une retenue qu’Eragon ne parvenait pas à cerner avec précision. Était-ce perplexité, ébahissement, crainte ou jalousie ? Difficile de savoir. Peut-être un peu de chacun de ces sentiments ; et peut-être aucun d’entre eux…

— Je te salue, Saphira, reprit Brom d’une voix forte. C’est un honneur pour moi de te rencontrer.

Il orienta sa main d’une drôle de façon et s’inclina.

« Je l’aime bien », déclara Saphira calmement.

« Bien sûr ! rétorqua Eragon. La flatterie, ça plaît toujours. »

Eragon lui toucha le garrot et se dirigea vers les ruines de la ferme. Saphira suivit avec Brom. Le vieil homme semblait vibrant et vif comme jamais.

Eragon escalada les gravats de la maison et rampa jusque la porte de ce qui, jadis, avait été sa chambre. Il la reconnut à peine sous les poutres de bois explosées. Guidé par ses souvenirs, il tâtonna à la recherche de son sac, qu’il trouva vide. L’armature en bois était en partie brisée – rien qui ne pût se réparer aisément. Le garçon continua de farfouiller et, au bout d’un moment, tomba sur son arc.

Son étui en peau de daim était écorché et déchiré, mais le bois était intact. « Enfin un coup de chance ! » constata-t-il avec bonheur. Il prit l’arc et le banda pour voir. Il se courba en douceur. Pas de craquements. Satisfait, Eragon partit en quête du carquois, qu’il dénicha à proximité. De nombreuses flèches étaient cassées.

Il rangea l’arc, et l’offrit avec son carquois à Brom, qui l’avait rejoint.

— Il faut un bras solide pour tendre cette arme, remarqua le vieil homme.

Eragon accepta le compliment en silence. Il erra dans les décombres à la recherche de quelques ustensiles qui pourraient se révéler utiles. Il déposa le fruit de sa collecte près de Brom. Il n’y avait pas grand-chose.

— Et maintenant ? demanda le conteur.

Son regard était perçant et insistant. Eragon détourna les yeux :

— On a besoin d’un endroit où se cacher.

— Tu penses à un endroit en particulier !

— Oui.

Il enveloppa ses trouvailles, hormis son arc, dans un balluchon serré. Puis, jetant le balluchon sur son dos, il déclara à Brom :

— Par ici !

Et il s’avança vers la forêt.

« Saphira, suis-nous dans les airs. Tes empreintes sont trop facilement repérables ; on nous retrouverait sans peine. »

« Très bien », dit la dragonne en décollant.

 

Eragon ne comptait pas aller loin ; mais il préféra effectuer de nombreux détours afin de compliquer la tâche à ceux qui les auraient pistés. Il sinua longtemps entre les arbres avant de s’arrêter aux abords d’un énorme massif de ronciers.

Au centre, il y avait une clairière de forme irrégulière, à peine assez grande pour que deux hommes et un dragon pussent s’y installer et faire un feu. Des écureuils roux bondissaient dans les arbres, émettant de vives protestations devant cette intrusion. Brom se fraya un chemin à travers les branches et regarda autour de lui avec intérêt.

— Quelqu’un d’autre connaît-il cette cache ? demanda-t-il.

— Non. Je l’ai trouvée quand nous avons emménagé dans la ferme avec Garrow. Il m’a fallu une semaine pour m’ouvrir un passage, et encore une autre pour en ôter le bois mort.

Saphira atterrit à leur côté. Elle replia ses ailes en prenant garde d’éviter les épines. Elle s’enroula sur elle-même, repoussant d’un battement d’écailles les branchages qui la gênaient, puis elle posa sa tête par terre. Ses yeux indéchiffrables suivaient les deux hommes.

Brom s’appuya sur son bâton et fixa la créature. Son insistance mit Eragon mal à l’aise.

Le garçon les observa jusqu’à ce que la faim le pousse à agir. Il prépara un feu, remplit une marmite avec de la neige fraîche et la posa sur les flammes. La neige devenue de l’eau bouillante, il découpa des morceaux de viande, puis les jeta dans le récipient avec une poignée de sel. Il avait connu des repas plus fameux ! Mais ça ferait l’affaire. De plus, ce ne serait certainement pas la dernière fois qu’Eragon se contenterait de ce menu de fortune ; autant qu’il s’y habitue tout de suite !

Le ragoût mijotait tranquillement, répandant un fumet aromatique dans l’air Quand la viande fut à point, Brom rejoignit Eragon, qui servit le repas. Ils mangèrent en silence. Leurs yeux s’évitaient. Après quoi, Brom bourra sa pipe et l’alluma sans se presser.

— Pourquoi voulez-vous m’accompagner ? demanda Eragon.

Un nuage de fumée s’échappa des lèvres de Brom, s’éleva en spirale à travers les arbres, puis disparut :

— Pour parler franchement, je suis conteur, et j’ai l’impression que ce que tu vas vivre me donnera de quoi faire une belle histoire. Tu es le premier Dragonnier depuis cent ans. Que va-t-il se passer ? Finiras-tu par périr comme un martyr ? T’allieras-tu aux Vardens ? Tueras-tu le roi Galbatorix ? Ces questions me fascinent. Alors, je veux être là pour voir de mes propres yeux ce qui arrivera, quoi qu’il m’en coûte.

Eragon avait un nœud dans l’estomac. Il ne se voyait pas accomplissant l’une ou l’autre chose, encore moins mourant en martyr. « Je veux me venger, pour le reste… je n’aspire à rien. »

— Admettons ; mais dites-moi, comment pouvez-vous parler avec Saphira ?

Brom prit le temps de tirer quelques bouffées de sa pipe. Puis il hocha la tête :

— Très bien, tu veux des réponses ? Je t’en fournirai, mais elles ne seront pas forcément à ton goût.

Il se leva, approcha son sac du feu et en sortit un objet enveloppé dans un linge, plus long qu’un bras, qui devait peser bon poids, à en croire la façon dont le vieil homme le maniait.

Brom ôta le linge, petit bout par petit bout, comme on aurait enlevé ses bandages à une momie. Subjugué, Eragon vit ainsi apparaître une épée. Le pommeau d’or avait la forme d’une larme. Les côtés en étaient tronqués, révélant un rubis de la taille d’un petit œuf. La poignée était sertie de fils d’argent, et si bien fourbie qu’elle étincelait comme une étoile. Le fourreau, de couleur rouge sombre, poli tel du verre, était orné d’un unique symbole noir, étrange, gravé sur la surface. Accroché à l’épée, un ceinturon de cuir muni d’une lourde boucle. Quand le dernier morceau de tissu tomba, Brom tendit l’arme à Eragon.

Son pommeau se nicha dans la main du garçon. On eût dit qu’il avait été moulé à sa paume. Il dégaina l’épée avec lenteur. Elle glissa hors du fourreau sans un bruit. L’acier était parcouru d’irisations sanguines qui luisaient à la lumière des flammes. La lame, acérée des deux côtés, était légèrement rebondie. On retrouvait le symbole noir sur le métal. L’arme était parfaitement équilibrée. Eragon avait l’impression qu’elle n’était qu’une extension de son bras, et non un simple ustensile, tel que les outils agricoles auxquels il était habitué. Elle lui donnait une intense sensation de pouvoir, comme si une force impérieuse l’avait habitée. Elle avait été créée pour permettre à son possesseur d’affronter les convulsions de la bataille, pour mettre fin à des vies humaines. Et, pourtant, elle était d’une terrible beauté.

— Jadis, cette épée appartenait à un Dragonnier, annonça Brom, le visage grave. Quand un Dragonnier finissait son entraînement, les elfes lui offraient une épée qu’ils avaient forgée. Nui n’a percé le secret qui entoure leur fabrication. On a juste constaté que ces épées restent toujours effilées et ne s’oxydent jamais. La coutume veut que la couleur de l’acier corresponde à celle du dragon que monte le Dragonnier ; mais je pense que, dans la circonstance présente, on peut faire une exception. Celle-ci s’appelle Zar’roc. J’ignore la signification de ce nom. Elle était sans doute liée au nom du Dragonnier auquel elle appartenait.

Brom regardait Eragon brandir l’épée.

— Où l’avez-vous trouvée ? demanda le garçon.

Il remit la lame au fourreau et tendit l’arme à Brom… qui ne fit aucun geste pour la reprendre.

— Peu importe, répondit le conteur. Disons simplement que j’ai subi une série d’épreuves dangereuses et peu agréables pour obtenir cette rapière. Considère-la comme tienne. Tu en auras plus l’usage que moi ; et je crois que, avant que tour soit fini, tu auras l’occasion de t’en servir.

Le don prit Eragon au dépourvu.

— C’est un cadeau princier, souffla-t-il. Merci.

Incertain de ce qu’il devait ajouter, il caressa le fourreau et demanda encore :

— Que représente ce symbole ?

— C’était le cimier[4] personnel du Dragonnier.

Eragon aurait voulu approfondir le sujet. Trop tard. Brom avait déjà enchaîné :

— Pour en revenir à ta première question, n’importe qui peut apprendre à parler à un dragon s’il y est correctement préparé. Et…

Le conteur leva un doigt pour souligner ce qu’il allait annoncer :

— Le fait de parler avec un dragon ne signifie rien en soi. J’en sais plus sur les dragons et sur leurs capacités que les autres êtres vivants. Ce que je peux t’enseigner, il te faudrait peut-être des années pour le découvrir par toi-même. Mon savoir te servira de raccourci. Il te permettra d’aller plus vite.

— Et comment en avez-vous appris autant, vous ?

— Je préfère garder cette information-là pour moi, répondit Brom.

À ces mots, Saphira se redressa et s’approcha d’Eragon, qui dégaina son épée et la lui montra. « Elle est puissante », commenta la dragonne en touchant la pointe de l’arme avec le bout de son museau. Les irisations colorées du métal ruisselèrent telle de l’eau courante au contact de ses écailles. La créature leva la tête avec un grognement satisfait, et l’épée retrouva son apparence initiale. Eragon la rengaina, troublé.

Brom leva un sourcil :

— Voilà le genre de choses dont je t’ai parlé : les dragons ne cesseront pas de t’étonner. Autour d’eux, des événements arrivent… Des événements mystérieux qui ne se produiraient jamais ailleurs. Les Dragonniers, après avoir travaillé durant des siècles avec leurs montures, n’ont pas découvert les limites de leurs pouvoirs. Certains affirmaient que les dragons eux-mêmes en ignorent l’étendue. Ils sont liés à la terre de telle façon qu’ils surmontent les plus grands obstacles. Saphira vient d’illustrer parfaitement ce que je t’expliquais : tu as encore beaucoup à apprendre…

Il y eut un long silence.

— Peut-être, finit par répondre Eragon. Mais j’en suis capable. Et ce que j’ai le plus besoin d’apprendre concerne les étrangers. Savez-vous qui ils sont ?

Brom prit une grande inspiration :

— On les appelle les Ra’zacs. Personne ne sait s’il s’agit du nom de leur peuple ou de la désignation qu’ils se sont choisie. Par ailleurs, si chacun d’entre eux a un nom individuel, il le tient caché. Les Ra’zacs sont apparus après que Galbatorix a accédé au pouvoir. Il doit les avoir rencontrés lors de ses voyages, et il les a probablement enrôlés à ce moment-là. On connaît peu de chose à leur sujet. Disons même : rien. Seule certitude absolue : ils ne sont pas humains. Un jour, j’en ai croisé un, dont j’ai aperçu le visage. Il avait une sorte de bec et des yeux aussi grands que mon poing. Comment arrivent-ils à parler malgré tout notre langage ? Pour moi, c’est un mystère. Je ne doute pas que le reste de leur corps soit aussi biscornu que leur visage ! Voilà la raison pour laquelle ils portent toujours de grands manteaux, quel que soit le temps. Quant à leurs pouvoirs…

Le conteur tira sur sa pipe et continua :

— Les Ra’zacs sont plus forts que le plus fort des hommes. Ils peuvent sauter incroyablement haut. Mais ils ont une faiblesse : ils ignorent l’usage de la magie. Réjouis-t’en ; car si en plus, ils étaient magiciens, tu serais déjà entre leurs griffes. Ils éprouvent une forte aversion pour la lumière du soleil, même si elle ne les arrête pas lorsqu’ils sont déterminés. Ne commets jamais l’erreur de les sous-estimer, car ils sont rusés et maîtres en fourberie.

— Combien sont-ils, de nos jours ? demanda Eragon, stupéfait par l’étendue des connaissances de Brom.

— Autant que je sache, il n’y a que les deux que tu as vus. Peut-être en existe-t-il d’autres, mais je n’en ai jamais entendu parler. Peut-être ceux-là sont-ils les derniers représentants d’une race en voie d’extinction. Sache que ce sont les chasseurs de dragons personnels de Galbatorix. Dès que des rumeurs parviennent à notre roi bien-aimé, selon lesquelles un dragon serait apparu quelque part, il envoie les Ra’zacs pour enquêter. Et ces monstres en profitent pour semer la mort sur leur passage.

Brom souffla une série de ronds de fumée et les regarda s’évanouir dans les ronces. Eragon s’en désintéressait… quand il s’aperçut qu’ils changeaient furtivement de couleur Le conteur lui fit un clin d’œil.

— Je ne comprends pas, dit le garçon. Je suis sûr que personne n’a vu Saphira avant ce jour. Comment Galbatorix a-t-il pu avoir vent de son existence ?

— Tu as raison, c’est bizarre, reconnut Brom. En plus, il est improbable qu’un habitant de Carvahall ait fait remonter une information jusqu’au roi. Raconte-moi donc où tu as trouvé l’œuf et comment tu as élevé Saphira : cela nous permettra de clarifier les choses.

Eragon hésita avant de raconter tous les événements, depuis qu’il avait trouvé l’œuf sur la Crête. Finalement, il était soulagé de se confier enfin à quelqu’un. Le conteur posa quelques questions ; mais, surtout, il écouta avec intensité. Lorsque le garçon acheva son récit, le soleil se couchait. Les deux compagnons se tinrent cois un instant sous les nuages rosissants. Ce fut Eragon qui rompit le silence :

— J’aimerais tant savoir d’où vient Saphira ! Elle ne se souvient de rien…

Brom secoua la tête :

— Je n’en sais rien, mais tu as éclairci bien des points. Je suis certain que, à part nous, personne n’a vu Saphira. Les Ra’zacs ont dû bénéficier d’une source d’information étrangère à la vallée. Une source qui est probablement éteinte depuis… Tu n’as pas eu une vie facile, ces derniers temps. Tu t’es très bien débrouillé. Je suis impressionné.

Eragon garda les yeux dans le flou, puis il demanda :

— Qu’est-ce que vous vous êtes fait au crâne ? On dirait que vous avez heurté une pierre…

— Ce n’est pas ça, mais ç’aurait pu ! répondit le vieil homme en aspirant une bouffée de tabac. Je traînais du côté du campement des Ra’zacs, à la nuit tombée. J’essayais de glaner quelques petits renseignements quand ils m’ont surpris en surgissant des ténèbres. Ils m’avaient tendu un beau piège ; mais ils m’ont sous-estimé, et j’ai réussi à leur échapper, en emportant ce souvenir de mon imprudence. Ils m’ont à moitié assommé. En fuyant, je suis tombé, et je n’ai repris conscience que le lendemain matin. Ils étaient déjà passés à la ferme. Il était trop tard pour les arrêter. Alors que je m’apprêtais néanmoins à les poursuivre, je t’ai rencontré sur la route…

« Qui est-il pour s’imaginer pouvoir défaire les Ra’zacs tout seul ? s’étonna Eragon. Et comment a-t-il survécu à leur embuscade ? »

— Quand vous avez vu la marque sur ma paume, la gedwëy ignasia, pourquoi ne m’avez-vous pas dit que les Ra’zacs étaient au village ? s’écria-t-il. J’aurais d’abord prévenu Garrow, au lieu d’aller voir Saphira. Nous aurions pu fuir tous les trois, mon oncle, Saphira et moi !

Brom soupira :

— Je n’étais pas sûr de la conduite à adopter. Je pensais être capable de tenir les Ra’zacs à distance. Ensuite, quand ils seraient partis, je comptais avoir une petite discussion avec Saphira et toi. Hélas, ils ont été plus malins que moi. Cette méprise, je la regrette profondément, car elle t’a coûté la perte d’un être cher…

— Qui êtes-vous ? jeta Eragon, soudain plein d’amertume. Comment un simple conteur de village en est-il venu à posséder une épée de Dragonnier ? D’où tenez-vous vos connaissances sur les Ra’zacs ?

Brom tapota sa pipe :

— Il me semblait avoir été clair : je refuse de parler de cela.

— Mon oncle est mort, mort ! s’exclama Eragon en agitant une main. Je vous ai accordé ma confiance jusqu’ici parce que Saphira a du respect pour vous, mais plus maintenant ! Vous n’êtes pas l’homme que je connaissais à Carvahall depuis des années. Expliquez-vous !

Pendant un long moment, Brom contempla, immobile, la fumée qui montait entre eux. Des rides profondes sillonnaient son front. Quand il bougea de nouveau, ce ne fut que pour tirer sur sa bouffarde.

Bien après, il se résolut à dire :

— Ça ne t’a peut-être jamais traversé l’esprit, il n’empêche… J’ai vécu pour l’essentiel hors de la vallée de Palancar. Ce n’est que lorsque je me suis installé à Carvahall que j’ai pris cette couverture de conteur. J’ai joué bien des rôles pour bien des gens. J’ai eu une vie très compliquée. Si je suis venu ici, oui, c’est aussi en partie pour échapper à mon passé. Donc tu as raison, je ne suis pas l’homme que tu croyais.

— Ha ! ricana Eragon. Alors, qui êtes-vous ?

Un doux sourire passa sur les lèvres de Brom.

— Je suis celui qui va t’aider, annonça-t-il. Ne mets pas en doute ces mots. Ils sont vrais, plus vrais que tous ceux que j’aie jamais prononcés. Cependant, je ne vais pas répondre à tes questions. À l’heure qu’il est, tu n’as pas besoin de connaître mon histoire ; d’autant que tu n’as pas encore prouvé que tu méritais de la connaître… Oui, je sais des choses que Brom le conteur devrait ignorer ; mais je ne suis pas seulement Brom le conteur. Il te faudra vivre avec cet état de fait ; et avec celui-ci, aussi : je ne raconte pas ma vie à quiconque me le demande.

Eragon le défia du regard.

— Je vais me coucher, déclara-t-il en s’éloignant.

Brom ne parut pas surpris, mais un voile de tristesse flotta dans ses yeux. Il déroula son matelas et se coucha près du feu, tandis qu’Eragon s’allongeait contre Saphira.

Un silence glacial retomba sur le camp.

Eragon
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